lundi 28 janvier 2013

Paranoia Agent - 2004




Je pensais pas enchaîner sur un deuxième manga, mais il se trouve que là il s'agit d'une série animée. Autant j'suis extrêmement exigeant en terme d'animé, autant celui-là est tellement bien fait (à l'instar de la saison 2 de Ghost in the Shell) que je me permet une rechute dans Paranoia Agent presque une fois par an. Constituée de 13 épisodes de 25 minutes, la série a débuté en 2004 écrit par Seishi Minakami et réalisé par Satoshi Kon. Si ces sonorités nippones chatoyantes ne vous rappellent cependant rien, sachez que ce dernier bonhomme a entre-autre bossé sur Perfect Blue et Paprika, 2 films que je traiterais plus tard.



Ride on !

La série commence sur une intro assez déconcertante ; succession d'enfants, d'adultes, tapotant sur leur téléphone, tout le monde prétextant une excuse ("Désolé, je ne peux pas venir"). Puis un changement radical de plan, où l'on se retrouve nez à nez avec une designer de peluche Kawai (le soulignement est de rigueur quand il est question de Kawai), qui se fait finalement agresser en fin de journée par un gamin en rollers armé d'une batte de baseball  C'est à partir de là que commence une enquête policière d'apparence banale, mais qui se perds dans Paranoia Agent, une série où la patience est mise à rude épreuve tant on peine à parfois faire le lien avec une quelconque histoire ou intérêt. Et c'est exactement la force de cette série ; il récompense la patience du petit scarabée.




Des Cas Sociaux :

La série commence de manière relativement rationnelle. On suit un début d'enquête, on arrive à des déductions policières et à un début d'intrigue qui semble bien ficelé. Et soudainement, quand les enquêteurs tombent sur un suspect adepte des mondes virtuels, on perds pieds. Le ton se voulant jusque là réaliste, on bascule dans un mélange de fantastique et de réel, sans toutefois discerner les frontières ni le parti pris par le réalisateur. On est paumé, les liens quelconques avec l'enquête se noient et semblent disparaître, et on a l'impression de partir dans du hors sujet total qui pourrait prouver que certains nippons cinéastes sont loin d'être purs & chastes. Ces épisodes se succèdent, pour passer au final à des situations et à des histoires, chaque épisode contant les mésaventures d'un personnage. L'un est flic, l'autre est prostituée nymphomane schizophrène  L'un est le plus populaire de sa classe de primaire, l'autre est un vieillard qui n'arrive pas à se suicider. Chacun de ces épisodes devient plus une curiosité morbide qu'un réel exercice de patience, car derrière la bonne part de glauque de la série se cache une certaine poésie. Des plans sont simplement beaux, la bande son est prenante, les voix sont parfaites. On supporte mieux la série, sans toutefois réellement discerner le détail qui prime. Et c'est là la force de Paranoia Agent, c'est que tous les liens que l'ont cherchait se réveille dans les derniers épisodes, jusqu'à l'apothéose finale où l'on se prends une véritable claque.



Psychothérapie à moindres frais :

Cette fameuse claque en question peut se résumer à une somme de critiques sur un lit de bon sens accompagné de son coulis de contexte social actuel. Des quelques dernières minutes (avant dernier & dernier épisode notamment), l'énorme pelote emmêlée que constituait la série se dénoue d'elle-même en un flot constant de constats (!). Car elle est là, la véritable portée de la série : dresser un constat humaniste de la société actuelle. Satoshi l'a écrit comme un remède au suicide, l'un des thèmes récurent abordé dans la série étant la frustration, la honte, le déni. Il semble s'y dégager un enseignement plus qu'une morale, où lorsque l'on devient véritablement acculé revient à être un réel danger pour soi-même. Sous différents aspects, Paranoia Agent montre en fait le visage même du stress et de la frustration ressentit à différents moments de sa vie, et surtout aux conséquences, ainsi que ses répercussions (comprendre dommages collatéraux) engendrés sur d'autres personnes, elle-même provoquant des remous dans la vaste toile que constitue le facteur social de l'Homme. L'effet papillon à l'échelle humaine, où chaque être humain reste son propre prédateur lorsqu'il se retrouve au pied du mur, et où il cherche désespérément à jeter la pierre sur quelqu'un d'autre, alors qu'il peut être lui-même la cause de son propre malheur. C'est le Paranoia Agent.



Loi du Talion revisitée :

Au final qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à véritablement être acculé au point de se faire souffrance soi-même ? Loin d'être psy' je me permet quand même de donner mon point de vue (n'est-ce point l'but ?). Tout au long de la série on aperçoit des dualités qui se créent entre les personnages, plus précisément en leur for intérieur, une sorte de contradiction entre les actes et les idéaux. Comme si le fait de forcer la porte de ses objectifs personnels ne faisait qu'en fait que renforcer les gonds de celle-ci. C'est exactement l'image développée dans Paranoia Agent : de tout âge, chaque personne développe sa personnalité en parallèle avec un idéal de vivre qui mûrit progressivement. L'embêtant c'est que ce même idéal vient en contradiction avec le caractère social de l'Homme qui tends à vivre à société (hein ? l'intro de Paranoia Agent dites-vous ?). N'apprécie-t-on pas couper son portable quand on est en vacances ? Se couper du monde, se retrancher dans ses idéaux que l'on a bâtis, et vivre en autarcie avec son propre univers (qui peut comprendre sa famille). De l'autre pendant, on développe des comportements antagonistes à nos idéaux dès lors que l'on n'équilibre pas sa propre balance sociale : on peut paraître asocial, égoïste, méchant, voir tout simplement con. Ceux qui ont fait couler beaucoup d'encre sur nos bouquins d'histoires n'étaient-ils pas ceux qui étaient allés le plus loin dans leur idéaux, en bien -surtout- comme en mal ? Être acculé tel que dans Paranoia Agent, c'est le point de quasi-non-retour, l'essence même de la dualité à son paroxysme, où ses rêves refoulés se mêlent aux peurs les plus aiguës  à la course à la performance, à l'omniprésence du besoin de succès, etc... Le big bang se créé et se répète plusieurs fois dans la série, en une succession de concrétisation de la loi du Talion où plus la frustration cumulée est forte, plus la déflagration est puissante. Et l'effet produit est simplement épique.




Ce que j'en ai pensé :

Du point de vue graphisme, on passe d'un style réaliste très soigné à progressivement un style de plus en plus décalé allant de paire avec la perte de dissociation réel/rêve. L'effet est saisissant : on est tout simplement paumé, mais pour autant on reste scotché. Great Success.

Au final si je devais en tirer vraiment quelque chose de particulier, je dirais que paradoxalement aux dernières impressions qu'on peut avoir en finissant les quelques 13 épisodes, c'est que c'est une véritable apologie de la vie. Le générique prends tout son sens une fois qu'on a fini la série. Des gens qui rient. Si au départ on ne reconnait aucune des personnes, on apprends leur histoire au fur et à mesure, et on s'étonne de voir toujours le même générique où peut les observer, hilare sur fonds de nuage atomique. Et c'est précisément ça, le message. Malgré les histoires de ces personnages, les conséquences engendrées par les situations occasionnées, ils sont toujours debout. D'une manière plus générale, il apparaît naturel d'être, un jour où l'autre, acculé. De devoir faire face à un dilemme qui sous-entends quantité pléthorique d'autres choix à entreprendre et à assumer par la suite, de devoir soudainement faire face à ses propres peurs, à ses phobies,tout simplement à ce que l'on est réellement au fond de soi. Si la peur est un sentiment saint qui permet de connaître ses limites et, à plus forte raison, qui offre une occasion de les dépasser, il appartient à chacun de nous de les dépasser pour s'affirmer. Cette fameuse dualité dont je parlais, arrive constamment et à intervalle régulier dans nos vies : c'est à mon sens le moment où l'on rejoint nos attentes et que l'on doit naturellement redéfinir de nouvelles limites à conquérir. Et comme l'inconnu fait naturellement peur, le sentiment d'être acculé peut simplement découler du fait que l'on réapprends constamment ce qu'est la peur. Dans Paranoia Agent, si les exemples sont multiples, on remarque surtout où cela mène de ne pas s'assumer, de ne pas se confronter : l'autodestruction pure et simple. D'où le générique : vivez heureux, agissez, suivez vos idéaux, foncez. Vivez, tout simplement.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire